dimanche 28 mars 2010

La vie reprend son cours

Un mois a passé depuis le tremblement de terre. On a quand même eu le droit a une terrible réplique, 7 sur l'échelle de Richter. J'étais chez moi au 9ème étage. Ça a duré une minute. Mon immeuble s'est mis à danser. Une nouvelle fois, j'ai été mort de peur. Mais néanmoins, la vie reprend son cours. Les militaires se sont remis à défiler en fanfare sous ma fenêtre.



On revoit les amis. Ici mon pote Javier, le docteur/cinéaste et son fils Emilio, 3 ans.


Une des conséquences du terremoto, ça été l'apagon, une coupure générale d'électricité qui a plongé tout le Chili dans le noir un dimanche soir. Ici, l'on voit l'immeuble en face de ma fenêtre, le premier du quartier a se rallumé.


Nous aussi, on a notre drapeau chilien à notre fenêtre.


Après le tremblement de terre, je suis tombé bien malade, une turista terrible sans doute due à l'eau qui n'était plus potable. Après 5 jours d'arrêt maladie, il a bien fallu reprendre le boulot à la librairie.


Avec ma Teresita, on a repris nos promenades dans Santiago. Ici, ce que l'on appelle une cité à Santiago : une petite ruelle fermée d'une grille, avec de part et d'autre de petites maisons. C'est sans doute l'habitat le plus modeste de Santiago. Beaucoup de Péruviens venus travailler au Chili y vivent. Les cités ont souvent beaucoup souffert du tremblement de terre.


Les week-ends où je ne travaille pas, on va souvent au marché avec Teresita. Les fruits et légumes sont excellents au Chili.


Tout ce qui a été construit après 1960 et le tremblement de terre le plus puissant jamais enregistré, 9,5 sur l'échelle de Richter, à Valdivia dans le Sud du Chili, est aux normes antisismiques. Ce qui explique que Santiago est plutôt bien résisté. Comme la tour Titanium qui, comme on dit ici, a passé son baptême du feu, et sa voisine, la tour du Costanera Center, dont la construction avait été interrompue pendant la crise économique, qui devrait être quand elle sera terminée, l'édifice le plus haut de tout le continent.


Teresita, dans les jardins du Cerro Santa Lucia.

J'ai reçu les papiers que j'attendais du gouvernement chilien. J'ai maintenant la résidence définitive après avoir travaillé deux ans. Je n'ai plus qu'à la payer. À bientôt, pour d'autres nouvelles.

lundi 1 mars 2010

Terremoto 8.6 la peur de ma vie

À notre retour de notre très réussi séjour à Iquique, on avait envie d'un peu plus de vacances. Après une semaine de boulot à Santiago, on est reparti pour le dernier week-end de l'été, à Pichilemu, célèbre spot de surf à 3 heures au Sud de la capitale. Le but était de prendre la vague que je n'avais pas prise à Iquique et de mieux connaître les amis d'enfance de ma Teresita : Fernando, Claudia, Faviola et Mireille, tous de Maípu, gigantesque banlieue à l'Ouest de Santiago. On est arrivé à Pichilemu en fin de journée le vendredi 26 février. Après avoir pris possession de la maison qu'on avait loué, à seulement 200m de la mer, on a tout de suite allumé le charbon. Après avoir partagé un barbeuk très convivial, les amis de Teresita sont sortis en boîte de nuit, tandis que nous, fatigués par notre première semaine de travail après nos superbes vacances à Iquique, on se couchait tôt pour pouvoir mieux profiter de la journée plage du lendemain. On s'endort, moi plus amoureux que jamais.

Samedi 27 février, 3 h 34, alors que ça faisait à peine plus d'une heure qu'on dormait, la terre se met à trembler, au début, on bouge pas, ici c'est normal, le Chili est l'un des pays les plus simique au monde, ça nous était arrivé aussi pendant nos vacances à Iquique, sauf que là ça dure plus longtemps et ça monte en puissance, la maison tremble de plus en plus fort. Teresita m'arrache du lit, me dit qu'il faut sortir. Moi, je suis encore endormi, je pense qu'on est toujours à Santiago où l'on vit au 9ème étage d'un immeuble de 15 étages, je me demande comment, on va sortir. La maison tremble si fort que j'ai l'impression d'une fusée qui va décoller, que l'on va se retrouver propulser jusqu'à la lune, pleine ce soir là. La vaiselle s'entrechoque, sort des meubles, se brise par terre, les miroirs se brisent, le bruit est atourdissant, le sol ondule. Alors que Teresita me tire par le bras, en arrivant à la porte, je finis par réaliser qu'on est à Pichilemu. Dehors, la terre ondule comme la houle sur la mer mais c'est plus supportable qu'à l'intérieur. On se serre dans les bras, on a froid, on est en T-shirt et en caleçon. Tout le monde est sorti de sa maison, c'est la panique, les gens sont terrifiés et nous aussi, des gens remontent de la plage, qui est 200 m plus bas en courrant tant bien que mal avec les ondulations du sol en disant qu'il faut courrir vers les collines, qu'il va y avoir un tsunami, la plupart sont sous l'effet de l'alcohl, on était vendredi soir, soir de fête au Chili, à fortiori le dernier week-end de l'été. Tout d'un coup, un homme passe avec son enfant enveloppé dans une couverture dans les bras, il dit que la mer est en train de se retirer, qu'il va y avoir un tsunami, cette fois, on y croit, on rerentre dans la maison pour s'habiller alors que le tremblement de terre n'est pas terminé, c'était juste plus supportable à l'extérieur, de nouveau la maison qui tremble comme une fusée au décollage, le sol qui ondule, le bruit atourdissant. Je m'habille, encore plus vite que le jour où la mère de Teresita, à l'époque où elle avait encore les clefs de chez nous était arrivé par surprise à la maison alors que j'étais à poil. L'électrécité s'est coupé dès le début du tremblement de terre, seul la lumière de la pleine lune éclaire faiblement notre chambre au fonde de la maison. Teresita n'arrive pas à trouver son pantalon, heureusement, mon téléphone portable à une seule option, il fait lampe torche, je l'éclaire, en moins de 30 secondes, on est habillé et dehors de nouveau, tout ça s'est passé pendant les 2 minutes qu'a duré le tremblement de terre, 8.6 sur l'échelle de Richter, le deuxième plus puissant jamais enregistré après celui de Valdivia au sud du Chili (9.5) en 1960, 100 fois plus puissant que celui de Haïti (7). On était à 130 km de l'épicentre, Concepción, pour nous c'était "seulement" 8.

De nouveau dehors, cette fois, j'étais mort de peur, j'avais le coeur qui battait à 100 à l'heure et je pensais qu'il n'allait pas tenir le choc, c'était toujours la panique, les gens continuaient de courrir vers les collines mais maintenant ils disaient que la mer était en train de monter, monter, monter... Nous aussi, on court vers les collines, on passe devant une église évangélique où les gens sont en train de chanter, fanatiques.

Arrivé en haut de la colline, on se croierait dans un film, toute la ville s'est refugiée sur el Cerro la Cruz, tous sont partis précipitament, il y a un petit grand-père sur sa chaise roulante qui grelotte de froid en pijama. Ceux qui sont montés en voiture écoutent la radio, les premières nouvelles tombent et avec elles la ville de Concepción. Des gens allument d'immenses feux pour se réchauffer, le ciel étoilé est magnifique, on se blottit l'un contre l'autre avec Teresita, on essaye de dormir entre deux repliques, je me demande s'il y aura un lendemain.

Et il y a un lendemain, avec le jour qui se lève, on se sent mieux même si la terre continue de trembler. On redescend de la colline, en arrivant à la maison, c'est la joie de retrouver nos amis, ils nous ont cherché toute la nuit, nous aussi on les à chercher, il m'a bien semblé entendre crier "Tere, Coco", mais Teresita me disait que non. On essaye de se reposer mais c'est pratiquement impossible avec les répliques. Les répliques le 1er jour, c'est le plus terrible, on a eu 90, certaines de puissance 7, c'est souvent une secousse, d'autres fois un tremblement ou un mouvement et à chaque fois, on se demande si ça va repartir, ça use les nerfs, quand elles sont fortes, on sort en courant de la maison. Après le tremblement de terre les téléphones portables n'avait plus de réseau mais le lendemain il est revenu pour quelques heures, on a pu communiquer avec nos proches à Santiago, eux aussi, ils ont eu très peur mais, heureusement, tout le monde est indemne. J'envoie un texto à mon père sur son i-phone mais il ne le lit qu'aujourd'hui lundi, je compte sur mes potes à Santiago, en espérant qu'il aient internet, pour qu'ils fassent savoir en France que l'on va bien, ce qu'ils feront et je les en remercie. Nous, à Pichilemu, on a toujours pas d'électricité, les portables ne tardent pas à être de nouveau sans réseau, les générateurs des compagnies ont épuisé leur combustible, il nous reste seulement la radio pour nous informer, le Chili est coupé du monde, les appels internationaux n'entrent plus. Plus au Sud, près de l'épicentre, les nouvelles sont catastrophiques. La maison où l'on loge nous tire sur les nerfs car elle tremble comme une feuille à chaque réplique, pour se changer les idées, on sort faire un tour pour relever l'étendu des dégâts.

Toutes les maisons de la ville haute, ont tenu le choc. La majorité des constructions au Chili sont antisimiques avec une armature en fer à l'intérieur des murs qui les fait se balancer pendant les séismes mais pas tomber. La majorité des maisons qui se sont écroulées pendant ce terrible tremblement de terre n'avait pas cette armature en fer, la plupart était en adobe, les plus jolies mais celles qui n'ont pas tenu le coup. Le patrimoine historique a été sévèrement touché, les centres historiques de Cúrico et Talca se sont effondrés, le Huascar, le fameux cuirassé de la guerre du Pacifique prise de guerre du Chili sur le Pérou, amarré dans la rade de Talcahunao à côté de l'épicentre du séisme serait à terre, plus de 60% des églises de Santiago seraient touchées. Je lisais dans le journal que les tremblements de terre sont comme une métaphore, se sont eux qui effacent la mémoire et l'histoire des pays d'Amérique du Sud.

Si la ville haute de Pichilemu a bien tenu le coup, ce n'est pas le cas de la partie basse de la ville construite au niveau de la mer qui a été dévastée par le raz-de-marée.





Un hélicoptère de l'armée nous survole pour rendre compte des dégâts. À ce moment, Pichilemu est coupé du reste du pays, pas de téléphone ni fixe ni portable, les ponts au dessus des rivières se sont écroulés, les routes sont coupées. De retour de notre promenade, on s'apprête à passer notre segonde nuit dans l'angoisse d'un nouveau tremblement de terre avec les répliques qui continuent. Morts de fatigue, on arrivera quand mème malgré tout à dormir et au deuxième lever du jour depuis le tremblement de terre, on se sent beaucoup mieux, les répliques se font plus rares et moins intenses. On s'ose à prendre une douche, on mange bien. La nuit suivante, on la passe au terminal de bus, dévorés par les moustiques, pour attraper le premier bus pour Santiago. C'est la cohue mais comme on était les premiers au terminal, on monte dans le bus sans aucun problème. Arrivés à Santiago, on angoisse de se retrouver avec notre immeuble transformé en tas de pierre parce qu'on a lu dans le journal qu'un immeuble de 15 étages de Santiago Centro, la description du nôtre s'est éfondré mais non, le nôtre est intact. On retouve l'électricité, la communication avec internet et le téléphone portable. Je peux communiquer avec mes parents, mon frère, mes amis ici, tout le monde va bien. On découvre enfin les images de la télévision (la première chose que les Chiliens sauvent pendant un tremblement de terre, avant même les enfants), elles sont térrifiantes, tout le littoral sud a été dévasté par le tsunami, pillages et couvre feu à Concepción et à Talca. Le bilan est beaucoup plus lourd au fur et à mesure que l'on atteint les zones les plus gravement touchées par la catastrophe. Le Chili qui avait refusé l'aide internationale au début, pensant qu'il pouvait faire face seul a fini par l'accepter. Je reste malgré tout impressioné par la capacité de ce pays pour faire face à de tels évènements. Alors que le tremblement de terre a été incroyablement puissant, la majorité des constructions ont tenu le coup. Dès le lendemain, les Chiliens étaient de retour au travail ou ne pensaient qu'à reprendre le travail, ils se sont mis à reconstruire le premier matin. Dommage que les images de pillages viennent gâcher cette formidable force de volonté. Nous on a eu de la chance, beaucoup de chance, on est conscient, et alors que je termine ce billet, mon immeuble de 15 étages, se balance sous l'effet d'une énième réplique, j'en ai un peu mal au coeur. À bientôt pour d'autres nouvelles, j'espère plus heureuses...